Les deux candidats sont entrés dans ce débat avec une volonté contradictoire : François Hollande souhaitait ne pas faire de faute afin de préserver son avance dans les sondages. Nicolas Sarkozy de son côté jouait son ultime va-tout: Ou il parvenait à prendre un avantage déterminant sur son adversaire et il avait une chance, minime, de l’emporter. Ou il faisait jeu égal, voire même se faisait surclasser, et tout espoir de l’emporter dimanche était définitivement perdu.
Au bout de trois heures de discussions, force est de reconnaitre que les partisans de chaque camp peuvent légitimement se sentir satisfaits de la tournure du débat.
Les partisans de François Hollande peuvent être contents d’avoir vu leur candidat ne pas « se faire bouffer » par le président sortant comme beaucoup le pronostiquaient. Bien au contraire, il a montré qu’il avait une vraie stature présidentiable et qu’il était différent de l’image d’homme mou que les militants de l’UMP avaient réussi à lui coller.
De même, les soutiens de Nicolas Sarkozy peuvent être contents que leur favori ait été égal à lui même : pugnace, un rien agressif, traitant plusieurs fois François Hollande de « menteur« , maitrisant parfaitement ses chiffres et ses dossiers et réussissant à quelques rares moments à mettre son adversaire en difficulté, notamment sur la question des immigrés et des centres de rétention.
On retiendra également que François Hollande, en grand amateur de football, a manifestement appliqué une tactique très en vogue dans ce sport selon laquelle la meilleure défense est l’attaque. On l’attendait sur la défensive, on l’a découvert dribbleur, slalomeur, adroit la balle au pied. Et en face, il a fallu que Nicolas Sarkozy déploie des trésors d’ingéniosité en défense, pour mieux réagir par des contre-attaques fulgurantes et percutantes.
Au final, on peut dire que les deux candidats se sont quittés sur un score nul, où aucun n’a pris un avantage vraiment déterminant. On a par contre assisté à une (trop longue) bataille de chiffres, chacun contestant ceux de son adversaire en sortant ses propres statistiques et pourcentages de son chapeau, bien évidemment différents. Le spectateur a souvent été noyé par cette avalanche et a eu l’impression d’assister à un dialogue de sourds, où chacun des protagonistes préférait apporter un nouveau chiffre, un nouvel argument, plutôt que de répondre à l’attaque de son adversaire.
Reste que, dans l’esprit des deux candidats, au dela de leurs militants déjà convaincus, ce débat s’adressait surtout aux électeurs de Marine Le Pen, à ceux de François Bayrou et aux abstentionnistes du premier tour. Pour gagner, Nicolas Sarkozy ne pouvait se permettre de faire simplement match nul. Un peu à l’image du Paris Saint-Germain, condamné à gagner un match de plus que Montpellier s’il veut remporter le championnat de Ligue 1, le président sortant se devait d’être bien meilleur que son challenger. Il est à craindre que ses ouvertures dans sa conclusion en direction des électeurs frontistes et centristes n’aient pas été suffisants pour emporter massivement leur soutien, pourtant vital pour sa réélection.
Les sondages effectués à l’issue du débat de ce soir devraient montrer que l’écart entre les deux candidats s’est encore resserré, mais il est à craindre pour Nicolas Sarkozy que ce ne soit pas suffisant pour qu’il devance son adversaire…